Spectacle visuel et sensible pour enfants à partir de 5 ans, Virginia Wolf traite avec délicatesse du côté obscur de la colère auquel répondent les couleurs vives de l’imaginaire.
A la base de ce spectacle, il y a un album pour enfants de Kyo Maclear illustré par Isabelle Arsenault. Il s’inspire lui-même des relations entre l’écrivaine Virginia Woolf et sa sœur artiste peintre, Vanessa Bell. Cette source est sans impact sur une narration dont le fil directeur est à la fois simple et universel : « Un jour, ma sœur Virginia s’est réveillée d’humeur féroce ». Une humeur de chien donc qui va se prolonger, s’approfondir, se creuser jusqu’à transformer Virginia en loup rageur, en jeune fille dévorée par sa colère au fond de laquelle l’animal hurlant ne laisse plus de place à l’être humain et raisonnable. On trouve, face à Virginia, une sœur compréhensive et douce, qui, entre chien et loup, accepte l’humeur de sa sœur et patiemment tente et attend de la ramener à de meilleures dispositions. La passion de Virginia n’a pas de cause identifiée, ni de forme définitive. Elle voyage à travers une large gamme d’humeurs noires, du simple fait de s’être levé du mauvais pied jusqu’aux tréfonds dépressifs de la mélancolie, qui disparaît comme par miracle. Comme le chantait Barbara à propos du mal, et de la joie de vivre : « ça ne prévient pas, ça arrive, ça vient de loin… ».
Un jardin imaginaire tout en couleurs
Il est toutefois un plan sur lequel l’origine de ce spectacle – un album illustré, une sœur peintre – se fait largement sentir, c’est sa dimension visuelle. Disons-le tout simplement : le spectacle est ravissant. A tous les sens du terme. Ravissant esthétiquement : les transformations du lit devant, dans, et sur lequel les deux sœurs évoluent, sont à la fois suggestives et légères, poétiques et belles, jusqu’à l’ultime apparition d’un jardin imaginaire tout en couleurs, qui vient rompre avec les teintes sombres qui avaient auparavant dominé. Ravissant aussi dans le sens où ces successives métamorphoses scéniques entraînent dans un univers en suspension, un entre-deux, un espace à la fois concret et métaphorique, où les transformations du plateau initient autant qu’elles les illustrent les différentes étapes de l’histoire. Le tout est léger, enjoué parfois, joli toujours. Un fin travail sur l’univers sonore rehausse encore la qualité de l’ensemble. Nathalie Bensard à la mise en scène et toute son équipe technique ont brodé un spectacle tout en finesse que porte avec une égale délicatesse le jeu des deux comédiennes, Marie Craipeau et Ina Mihalache.
Eric Demey
Voir l’article en ligne